
Il est de tradition dans les communes de mettre à l’honneur les personnes centenaires ou les personnes fêtant leur jubilé d’or, de diamant ou encore de platine pour les plus chanceux.
Certaines communes vont même jusqu’à organiser des séances d’accueil pour les nouveaux arrivants sur le territoire communal.
Toutes ces initiatives sont évidemment faites dans l’intérêt du citoyen sur base des registres de la population et des listes qu’il est possible d’en extraire.
Et la vie privée dans tout ça ? Comment, concrètement, inviter ces personnes au sein des diverses activités proposées tout en respectant la vie privée des individus mis à l’honneur ?
C’est ce que nous tenterons d’éclaircir dans les prochaines lignes.
Le cadre légal
C'est l’article 5 de l’Arrêté Royal (A.R. ci-après) du 16 juillet 1992 relatif à la communication des informations contenues dans les registres de la population et dans le registre des étrangers dispose que :
« La consultation du registre de la population et du registre des étrangers par les services communaux et les services dépendant du centre public d'aide sociale n'est autorisée qu'à des fins de gestion interne ».
Ainsi, les communes sont autorisées à consulter et utiliser les informations issues du registre de la population pour leur gestion interne. Mais l’A.R. ne prévoit pas ce qu’est la gestion interne, il convient donc de se pencher sur la portée du libellé « à des fins de gestion interne ».
La question interne : quesaco ?
Pour comprendre la portée de cette gestion interne, il convient de se référer à la délibération n°13/2013 du Comité sectoriel Registre National par laquelle il autorise les communes à consulter le registre de la population et qui considère que le terme « gestion interne » peut-être rencontré dans différents cas:
- l'octroi de permis, de droits, de services et d'avantages, soit à l'initiative des personnes concernées elles-mêmes, soit de manière proactive sur la base d'une compétence communale,
- l'établissement et le recouvrement de taxes, de rétributions et de créances, l'imposition de mesures dans le cadre de la compétence de maintien dont dispose une administration locale,
- l'information et la communication dans le cadre de compétences communales en vue d'une gestion efficace et effective de la clientèle de la commune,
- l'obtention de données de base du Registre National pour l'élaboration d'une analyse environnementale en vue de la planification stratégique générale communale et de la confection du budget et en fonction de certains besoins spécifiques de planification (p. ex. mobilité, aménagement du territoire, sécurité, etc.),
- application de dispositions légales et réglementaires imposant aux communes, en leur qualité d'employeur, un certain nombre d'obligations qui sont liées au statut pécuniaire et social de leurs travailleurs;
On comprend aisément que la gestion interne tel que décrite par le comité RN est large et peut englober tout une série de missions de la commune.
Mais quid de la célébration des jubilés ?
C'est l’Autorité de Protection des Données (ex : Commissions de la Protection de la Vie Privée « CPVP ») qui se penche sur le sujet et nous livre quelques recommandations [1] concernant les jubilaires et centenaires.
L’APD considère que les finalités qui se situent dans le cadre des compétences réglementairement conférées aux communes peuvent être qualifiées d'« internes » et rappelle les recommandations de son Président de l’époque qui s’exprimait, par rapport aux jubilés, de cette manière : « Il découle de ces dispositions que l'envoi de félicitations à des habitants d'une commune à l'occasion de leur jubilé de mariage est bel et bien permis, mais que cette initiative doit émaner de l'administration communale »[2]. Les communes ont donc bien le droit de consulter le registre de la population afin d’organiser des jubilés selon les recommandations de l’APD.
En pratique, quels garde-fous ?
Reprenons succinctement les recommandations de l’APD :
- l’initiative doit émaner de l’administration communale et non du politique (même si celui-ci peut signer le courrier) ;
- l’initiative doit faire l’objet d’une procédure administrative établie afin que chacun puisse savoir ce qui est permis et ce qui ne l’est pas ;
- la consultation et l’extraction de données des registres de la population doit toujours s’effectuer sous le couvert d’une décision de l’administration communale (le Collège communal, en l’espèce) afin de pouvoir contrôler les finalités ;
- le principe de proportionnalité doit être respecté en vérifiant si, pour atteindre la même finalité, il n’existe pas de manière impliquant une moindre ingérence dans la vie privée.
Par analogie, et compte tenu des similitudes des démarches, la célébration des personnes centenaires et l’accueil des nouveaux arrivants sur le territoire doivent suivre les mêmes recommandations.
Rappelons encore, qu’outre ces exigences liées à l’A.R., il faut respecter les principes issus du RGPD et de la loi vie privée du 30 juillet 2018 quant à l’envoi et l’organisation de toute célébration.
Conclusion
La consultation du registre de la population doit toujours s'effectuer par la commune au regard des finalités de « gestion interne » sous couvert de ses missions et compétences en tant qu’autorité publique. Cette consultation doit pouvoir être cadrée et faire l’objet d’une procédure stricte validée, notamment, par l’autorité communale. En tout état de cause, il est recommandé de soumettre toute demande au Délégué à la Protection des Données afin d’analyser la meilleure façon d’aborder le sujet. En suivant ces recommandations, mettre à l’honneur les citoyens du territoire communale devient une véritable partie de plaisir pour tous !
[1] Cfr. not. https://www.dataprotectionauthority.be/publications/recommandation-n-06-2012.pdf, consulté le 25 avril 2025.
[2] Voyez not. demande d'explication n° 1286 (2010-2011) du 22 février 2011; demande d'explication n° 1578 (2010-2011) du 22 mars 2011, disponible sur : www.vlaamsparlement.be.