
Les relations entre pouvoirs locaux et organisations syndicales s’inscrivent dans le cadre des relations sociales qui, pour une partie d’entre elles, sont obligatoires et préalables.
Il est ici proposé de passer en revue les 3 textes « fondateurs » de ces relations sociales et d’en retirer, de manière pragmatique, les éléments les plus importants pour l’organisation de ces relations dans les pouvoirs locaux.
Les informations ci-dessous ne sont donc pas complètes, mais constituent plutôt un résumé de la loi du 19 décembre 1974 et des arrêtés royaux des 28 septembre 1984 et 29 août 1985.
Cadre légal
Trois dispositions essentielles sont en effet à prendre en considération pour aborder cette thématique. Nous proposons de les aborder dans leur ordre chronologique, sachant qu’elles se complètent l’une l’autre (tout particulièrement les deux premières, la seconde exécutant la première).
Loi du 19 décembre 1974 organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents relevant de ces autorités
Cette loi pose le cadre général et, nous concernant, le cadre essentiellement supralocal (sachant toutefois que certaines dispositions supra s’appliquent automatiquement infra). Il ne s’agit toutefois pas du texte le plus explicite pour comprendre et différencier « concertation » et « négociation », mais constitue le socle de la matière.
Un premier sujet intéressant y figure toutefois : le contenu d’un protocole concluant une négociation. Ce protocole doit contenir et faire apparaître :
- soit l’accord unanime de toutes les délégations sur un point de l’ordre du jour ;
- soit l’accord entre la délégation de l’autorité et la délégation d’une ou plusieurs organisations syndicales, et la position (a priori non alignée sur les précédentes) de la délégation d’une ou plusieurs organisations syndicales ;
- soit la position respective de chaque délégation.
Un second sujet mentionné dans cette loi mérite d’être souligné : les points ne devant pas être soumis à négociation ou concertation, à savoir :
- une proposition concernant l’application d’une recommandation émanant de l’autorité ayant le pouvoir de tutelle ;
- une recommandation faisant l’objet d’un protocole d’accord ou d’un avis motivé à la suite d’une négociation ou d’une concertation qui s’est déroulée au niveau supérieur (comité général, comité des services publics locaux) ;
- une proposition ayant pour but d’appliquer une recommandation sans modifications ni dérogations ;
- après que les organisations syndicales siégeant dans le comité de négociation ou de concertation compétent aient été averties par l'autorité compétente, par lettre recommandée à la poste avec accusé de réception, qu'elle envisage de recourir à cette dispense, aucune d'entre elles n’a demandé dans les trois jours ouvrables qui suivent la date de réception de cette lettre que cette proposition soit discutée au niveau local.
Arrêté royal du 28 septembre 1984 portant exécution de la loi du 19 décembre 1974 organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents relevant de ces autorités
Cet arrêté précise, quant à lui, les procédures de négociation et de concertation proprement dites, telles que les délais dans lesquels les membres du Comité doivent être convoqués, les points inscrits à l’ordre du jour ou encore la nécessité de conclure un protocole qui clôture la négociation ou un avis motivé qui clôture la concertation.
Sont ciblés tous les membres du personnel définitif, contractuel, stagiaire, temporaire, notamment des pouvoirs locaux ; les membres de cabinets (et sans autre lien avec le pouvoir local concerné) ne sont par contre pas concernés.
Les organisations syndicales, pour être représentatives ou agréées et participer aux réunions, doivent répondre à certaines exigences définies par la loi du 19 décembre 1974.
Protocole d'accord, avis motivé, délégation et délais
Un protocole d’accord conclut une négociation : il n’est pas utile dans le cadre d’une concertation, qui se conclut par un avis motivé (qui peut être repris au procès-verbal de concertation). Les conclusions de la négociation n’ont pas de valeur juridique en tant que telles, n’engagent pas juridiquement l’autorité et ont surtout une connotation politique.
La négociation comme concertation sont des formalités substantielles : si elles ne sont pas respectées, les mesures et démarches décidées sont passibles d’annulation. Pour cette raison, la décision doit mentionner le respect de ces formalités (date du protocole ou de l’avis motivé).
La délégation de l’autorité doit être composée de responsables politiques disposant de la compétence de conclure des accords liant politiquement l’autorité. Le Président du Comité de négociation assume également la fonction de Président du Comité de concertation. Le Bourgmestre et le Président du CPAS sont respectivement Président et vice-Président du Comité. La délégation syndicale est composée librement par les organisations, tant en ce qui concerne le Comité de négociation que de consultation.
L’absence d’un ou plusieurs membres de l’une ou l’autre délégation ne vicie pas la validité des négociations.
Des exceptions sont posées où il pourrait ne pas y avoir de négociation ni de concertation ; retenons, pour l’essentiel :
- cas d’urgence (déterminés par le ROI) ;
- questions de sécurité ou de défense nationales ;
- en cas de calamités naturelles ou de menaces à la salubrité publique.
Le droit d’initiative, à savoir le droit de soumettre des questions à la négociation ou à la concertation, appartient tant à la délégation de l’autorité qu’à la délégation syndicale. C’est toutefois le Président qui établit l’ordre du jour de la réunion (en tenant compte de ces initiatives), fixe la date des réunions, dirige les débats et assurer l’ordre des réunions. La négociation se termine dans un délai de 30 jours à compter de celui où le Comité a abordé le point pour la première fois – ce délai peut toutefois être prolongé de commun accord entre les délégations, ou peut, à l’inverse, être réduit à 10 jours si le Président estime qu’un point doit être traité en urgence.
À noter qu’au cours de la réunion de négociation, chaque délégation a le droit de proposer des modifications à l’ordre du jour, qui devront être acceptées à l’unanimité des délégations présentes. Sensible différence pour la réunion de concertation : les organisations qui composent la délégation syndicale peuvent demander par écrit au Président d’inscrire à l’ordre du jour une question, et le Président peut refuser de rencontrer cette demande, pour des motifs impérieux uniquement. Les motifs de ce refus devront être transmis dans les 15 jours de l’envoi de la demande.
Les délais de convocation sont de minimum 10 jours ouvrables avant la date de la réunion, date de La Poste faisant foi. Ce délai peut être réduit à 3 jours ouvrables en cas d’urgence.
Outre le procès-verbal de négociation établi et signé par la délégation de l’autorité (Président et secrétaire), dont une copie est transmise aux organisations syndicales, un protocole d’accord est établi et soumis pour accord dans les 15 jours qui suivent la clôture de la négociation. Les délégations ont 15 jours ouvrables, à compter de l’envoi sous pli recommandé, pour communiquer leurs observations :
- si accord : le projet devient le texte définitif du protocole ;
- si observations formulées : elles sont examinées lors de la réunion suivante, puis protocole d’accord ou de désaccord
Le procès-verbal de concertation est transmis dans les 15 jours qui suivent la réunion, sous pli recommandé. Les délégations ont 15 jours ouvrables pour communiquer leurs observations, date de La Poste faisant foi :
- si accord : le projet devient le texte définitif du procès-verbal ;
- si observations formulées : elles sont examinées lors de la réunion suivante, puis un avis motivé est acté. Les motifs pour lesquels la décision d’une autorité s’écarte de l’avis motivé, formulé par le Comité de concertation, sont communiqués dans le mois aux membres de la délégation de l’autorité et aux organisations syndicales.
Les procès-verbaux et protocoles signés sont transmis aux délégations.
Profils syndicaux
Trois « profils » essentiels peuvent être distingués au sein des organisations syndicales :
- le dirigeant responsable : il exerce toutes les prérogatives de l’organisation ;
- le mandataire permanent : il se voit déléguer certaines tâches spécifiques par le dirigeant responsable, au nom duquel il va agir ;
- le délégué permanent : il est membre du personnel du pouvoir local, qui s’occupe de manière régulière et continue de la défense des intérêts professionnels du personnel ; tout en exerçant ces missions syndicales, il est amené à quitter son administration tout en restant considéré en activité de service ;
- s’ajoutent potentiellement à ces « profils » (mais davantage à des niveaux supérieurs de négociation/concertation ou dans les plus grandes adminsitrations) des techniciens et certains délégués spécifiquement attachés à certaines commissions, ou titulaires de certaines prérogatives.
En ce qui concerne la protection du délégué syndical deux interdictions s'appliquent :
- interdiction d’infliger une sanction disciplinaire liée à l’exercice de sa mission, ni une suspension dans l’intérêt du service. La démission d’office et le licenciement ne peuvent, dans le même ordre d’idée, être appliqués ;
- interdiction d’infliger des « sanctions indirectes » (suppression d’emploi ou mise en disponibilité dans l’intérêt du service, déplacement, mutation, mobilité d’office, modification dans l’affectation de service) suite à l’exercice régulier d’une activité syndicale
À noter qu'il existe des limites aux avantages/protections du délégué : les congés syndicaux et dispenses de services ne sont accordés que pour la durée strictement nécessaire à l’exercice de la prérogative. il n'y pas de compensation de ces congés syndicaux et dispenses de service par des prestations de récupération
Les organisations syndicales reçoivent, à leur demande et au prix de revient, copie des documents à caractère général qui concerne la gestion du personnel qu’elles représentent, à l’exclusion des documents qui ne peuvent être consultés que sur place. Toutefois, en vue de la négociation, la délégation syndicale doit recevoir toute la documentation nécessaire.
Toute organisation syndicale représentative a le droit de se faire représenter par un délégué auprès du jury de chaque concours ou examen de recrutement, ainsi qu’auprès du jury de chaque concours, épreuve et examen organisé pour les membres du personnel qu’elle représente. Le délégué s’abstient de toute intervention durant leur déroulement, ne peut prendre part à la délibération du jury, ne peut prendre connaissance du procès-verbal des opérations, ni en recevoir une copie. Il peut faire acter ses remarques sur leur déroulement, dans une annexe au procès-verbal.
Les organisations syndicales représentatives peuvent tenir des réunions dans les locaux administratifs du pouvoir local, même pendant les heures de service. Elles peuvent également afficher leurs avis dans les locaux des services du personnel qu’elles défendent, mais après qu’ils aient été visés pour prise de connaissance par le fonctionnaire désigné à cet effet par l’autorité.
Arrêté royal du 29 août 1985 déterminant les réglementations de base au sens de l'article 2, § 1er, 1°, de la loi du 19 décembre 1974 organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents relevant de ces autorités
Cet arrêté détermine les matières soumises à la négociation et à la concertation syndicales. Il cible tous les membres du personnel définitif, contractuel, stagiaire, temporaire, notamment des pouvoirs locaux[1]
Y sont évoquées les réglementations de base ayant trait au statut administratif (recrutement, nomination, droits et devoirs, incompatibilités, disciplinaire, mobilité,…), au statut pécuniaire (rémunérations, échelles de traitement, allocations, etc.), au régime de pensions (catégories, âge, conditions, calcul, etc.), aux organisations syndicales et aux services sociaux (bénéficiaires, gestion, missions, activités, etc.).
Doivent faire l’objet d’une négociation, les décisions relatives aux réglementations de base visées ci-dessus (statuts, pensions, organisations syndicales et services sociaux)[2]
Doit faire l’objet d’une concertation, les décisions relatives :
-
- au cadre du personnel ;
- à la durée et/ou à l’organisation du travail (ce y compris l’accueil et la formation) ;
- à l’amélioration des relations humaines ou à l’accroissement de la productivité.
Par ailleurs, les comités de concertation syndicale exercent toutes les attributions que la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail et le Code sur le bien-être au travail confient, dans le secteur privé, au Comité pour la prévention et la protection au travail (CPPT).
Les délibérations des pouvoirs locaux qui ne respectent pas les dispositions légales et réglementaires qui régissent le statut syndical, sont susceptibles d’annulation ou de non-approbation par l’Autorité de tutelle, ou d’annulation par le Conseil d’Etat.
[1] Pour les réglementations de base ayant trait aux statuts administratif et pécuniaire, ainsi qu’au régime des pensions, il a été prévu que l’AR ne soit applicable qu’aux statutaires. Toutefois, l’apparition du statut unique en Région wallonne, et le fait que jusqu’alors, une partie considérable du statut administratif comme pécuniaire était potentiellement applicable au personnel contractuel, contribuent à affaiblir drastiquement la portée de cette disposition. Par ailleurs, la loi du 19 décembre 1974 précisait de son côté un traitement analogue entre statutaires et contractuels.
[2] Quelques rares exceptions sont mentionnées, mais qui ne méritent a priori pas d’être retenues : les décisions relatives à ces réglementations peuvent, pour résumer, être considérées comme devant être soumises à négociation...